Je voudrais analyser l’histoire à partir des codes littéraires développés par Barthes. Ce sont : le code herméneutique, le code proairetique, le code sémantique, le code symbolique et le code culturel. Pour Barthes, le code herméneutique représente l’énigme du texte. Le code Proairetic représente les dimensions spatiales et temporelles. Le code sémantique fait référence au niveau de connotation. Le code symbolique représente la division binaire du langage et le code culturel les conventions de la société.
En regardant l’histoire d’un code herméneutique, Borges écrit à propos d’un écrivain imaginaire et d’un livre qui n’existe pas. Il crée des faits à partir de fantasmes et des fantasmes à partir de faits et toute son exploration fictive n’est qu’une vaine fantasmagorie.
Il commence le récit en citant un catalogue réalisé par Madame Henri Bachelier sur les omissions et les ajouts faits au texte de Ménard qui séduisent les calvinistes, les maçons et les circoncis. Fait-il une fouille au conservatisme? Se méfie-t-il de la tradition ? On ne peut jamais interpréter complètement en raison de l’obscurité même de son commentaire. Il y a un humour ironique inhérent à cette déclaration.
Borges redevient fictif et poursuit en énumérant qu’un examen des archives de Ménard est nécessaire à l’exégèse de Quichotte. Les dossiers sont littéraires et mentionnent ce qui suit :
(a) Un sonnet symboliste qui apparaît deux fois dans une revue. Tout le monde connaît l’idée du symbolisme et des poètes symbolistes. Ce que l’on ne peut pas discerner, c’est pourquoi Borges fait un lien aléatoire avec le symbolisme en essayant d’expliquer le Don Quichotte de Ménard. Borges joue-t-il une sorte de plaisanterie avec le lecteur ?
(b) Une monographie contenant la possibilité de créer un vocabulaire poétique de concepts qui ne seraient pas des synonymes ou des périphrases de ceux qui composent le langage courant. Borges fait-il allusion à la parure du langage poétique ? La parure peut avoir lieu en habillant les mots avec des figures de style ou en utilisant des néologismes.
(c) Une monographie sur certaines connexions et affinités avec les Philosophies de Descartes, Leibniz et Wilkins. Est-ce que Borges fait un gros bluff ou veut-il impressionner ses lecteurs qu’il connaît les philosophies des philosophes mentionnés ci-dessus. Pourquoi l’auteur veut-il se montrer à un public?
(d) Les fiches de travail d’une monographie sur la logique symbolique de George Boole. Il est très intrigant que Borges fasse cette étrange connexion. Comment la logique peut-elle être liée à la fiction.
(e) Un examen des lois métriques essentielles de la prose française. Borges parle espagnol. Je ne suis pas sûr qu’il ait les connaissances suffisantes pour commenter la prose française. Le mètre est à nouveau lié à la poésie. Comment peut-il être assimilé à de la prose ? Est-ce un défaut structurel du récit ?
(f) Ouvrage dans lequel différentes solutions sont données au problème d’Achille et de la Tortue. C’est vraiment absurde, un canard de l’esprit. Peut-être Borges incite-t-il le lecteur à penser qu’Achille a gagné la course. Borges n’a pas déconstruit le paradoxe de Zénon. Je me demande pourquoi Borges ne propose pas d’alternative.
(g) Une analyse déterminée de la coutume syntaxique Toulet. Ménard dit que la censure et l’éloge sont des opérations sentimentales qui n’ont rien à voir avec la critique littéraire. Cette affirmation fait de Borges un précurseur des théoriciens de la littérature.
Encore une fois, Borges fait une digression et continue à discuter des textes qui ont inspiré Ménard pour créer Quichotte. L’un est un fragment philologique qui mentionne le Christ sur un boulevard, Hamlet sur La Cannebière et Don Quichotte sur Wall Street. La représentation du Christ est assez incongrue. Quel est le lien mystique entre le Christ et un boulevard ? Il en va de même pour Hamlet. Les bosses de Wall Street sont-elles donquichottesques ?
De nouveau Borges l’écrivain mentionne que Ménard lui écrit que le dernier terme d’une démonstration théologique, métaphysique – le monde objectif, Dieu, la causalité les formes de l’univers est commun dans mon roman encadré. Cela démontre que Borges est un écrivain confus. Si le monde est créé par Dieu, comment peut-il être objectif ? Mélange-t-il un bouillon de théisme évolutionniste ?
Il rétorque que pour écrire Quichotte, il faut bien connaître l’espagnol, retrouver une foi catholique, lutter contre les Maures et oublier l’histoire de l’Europe entre les années 1602 et 1918. Tout le monde sait que Quichotte de Cervantès était une révolte contre le catholicisme. La lutte entre les catholiques et les maures est liée à l’Histoire. Borges ironise-t-il lorsqu’il répète qu’il faut oublier l’Histoire ? 1918 est symbolique du début de la Première Guerre mondiale. Le récit de Borges est tellement fragmenté et vagabonde sans pertinence d’un sujet à l’autre.
Borges se contredit en disant que dans un passage de Ménard qu’il n’a jamais écrit, il y a une phrase : « les nymphes du fleuve et l’écho douloureux et humide ». Cela provoque chez le lecteur un rire délicieux. Borges se lance dans une envolée fantaisiste. Cette déclaration fait venir à l’esprit de Borges une citation de Shakespeare “Où un Turc malin et un Turc enturbanné”. Le monument de la littérature est-il un pur gaspillage extravagant ? Est-il construit sur les fondations d’une chicanerie fantaisiste ?
Ménard dans son roman Quichotte n’a pas de gitans, pas de conquistadors et pas de mystiques. Borges fait-il allusion à l’ironie ? Borges dit encore qu’au chapitre neuf du Don Quichotte de Ménard, il y a une citation : « … la vérité dont la mère est l’Histoire, rivale du temps, dépositaire des actes, témoin du passé, exemplaire et conseillère du présent et conseillère de l’avenir. Borges philosophe sur l’Histoire. Mais les questions fondamentales sont : l’Histoire est-elle une vérité ? Dans le postmodernisme, l’Histoire est un discours méthodologique.